SERMON de l'Abbé en 2017 aux jeunes !
l’abbé Xavier Beauvais lors de la messe dominicale du camp d’été France Jeunesse Civitas.
Engagez-vous !
Si l’on s’en réfère à l’Evangile, parole de vie par excellence, il y en a un qu’on peut appeler l’Evangile du choix. Et quand on parle d’engagement, on parle inévitablement de choix. Cet Evangile du choix, vous le connaissez tous : Dieu ou Mammon, la chair ou l’esprit, la vérité ou l’erreur, la fidélité ou l’apostasie. Autrement dit, c’est l’Evangile de l’engagement. Parole d’évangile d’autant plus forte aujourd’hui que tout nous pousse à l’indifférence sournoise, sous prétexte de tolérance, de ne plus choisir. La vie consiste à prendre parti!
Or disait un Maréchal : « La vie n’est pas neutre, elle consiste à prendre parti ». S’engager c’est donc opter, et c’est risquer. S’engager c’est dire oui, ou c’est dire non. C’est choisir son camp. C’est jouer sa chance pour la perdre ou la gagner. Lorsqu’il s’agit d’une cause ou d’un chef, s’engager c’est donner sa foi, c’est se donner, vie et honneur. Dieu merci, dans la veulerie d’un monde avare et sceptique, l’homme qui s’engage, force encore le respect. Il lui arrive par là de racheter ses erreurs ou ses fautes, parce qu’il donne la preuve d’une franchise, la mesure d’une grandeur devant lesquelles les habiles sont obligés, dans le secret, de s’incliner. Si l’on en cherche la raison, c’est d’abord que le privilège de notre condition humaine est, dans les alternatives, de choisir sciemment, de juger le vrai et le faux, le mal et le bien, d’exprimer ce jugement conforme à la vérité, dût-on par cette netteté peiner des amis, ou provoquer des ennemis. C’est ensuite que, risquer des avantages ou temporels ou secondaires, au service d’un intérêt majeur, témoigne d’un désintéressement qui peut aller jusqu’à l’héroïsme – ô combien valable en politique – d’un amour des objets transcendants qui peut aller jusqu’à la sainteté. Il ne faut pas aller chercher ailleurs la source du prestige propre à l’honnête homme, au soldat ou au martyr, exemples de l’engagement. Inversement, l’homme à l’esprit flottant, bobo, incapable ou cynique, qui ne discerne pas ou qui ne témoigne pas, qui ne cherche que son intérêt personnel au mépris du bien commun, l’homme à la parole ambigüe et au cœur double qui ne veut pas se démarquer, l’homme qui, jouant sur les deux tableaux, refuse de se compromettre, qui n’est ni ami, ni ennemi, qui dans la bagarre qu’est la vie, reste neutre; alors qu’il s’occupe surtout pas des affaires de la cité, nous n’aurions alors, pour citer Roger Holeindre, que des mollusques de la droite molle qui nous ont conduit là où nous sommes, en pleine décadence. Celui-là est à traiter avec mépris. De sa neutralité même nous lui faisons crime, puisqu’il nous a prouvé que pour nous non plus, il ne se compromettra jamais.
les catholiques donnent souvent l’impression qu’ils ne s’engagent pas!
Ce n’est pas un homme sur qui nous puissions compter. Ce n’est pas un homme. Alors comment se fait-il que si souvent dans l’histoire les catholiques donnent souvent l’impression qu’ils ne s’engagent pas jusque dans les affaires de la cité, qu’ils se réservent et par là se font juger sévèrement par des hommes amis de la franchise et du risque ? Il vaut la peine d’y réfléchir avec humilité, courage et de passer ensuite à l’acte.Les exemples ne manquent pas dans l’histoire de ceux qui se sont engagés pour les causes les plus sublimes, à commencer par l’exemple et la doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ qui ne souffrent sur ce point aucune équivoque.
Ne craignez pas ceux qui ne peuvent tuer que le corps
Pour s’être intrépidement et dangereusement engagé, il est mort en pleine action. La hardiesse avec laquelle il a pris position en face de ceux qu’il devait condamner et qui ne lui pardonneront jamais ses franchises, est un des traits les plus nobles de son caractère.
Depuis la scène des vendeurs chassés du Temple jusqu’à son interrogatoire chez Caïphe, Jésus a dit, a fait ces« œuvres de son Père» qui ne souffrent ni atermoiements, ni ambiguïtés, ni réticences. C’est ce qu’il appelle avoir « rendu gloire à Dieu ». Il a dit aux puissants leur fait; il a méprisé en face de Pilate les atermoiements et les plaidoiries de la dernière heure. Ayant joué sa tête dès la première heure, il alla droit au supplice sans fléchir. Comme il a dit et fait, il a prescrit à ses disciples de dire et de faire. Que votre parole soit « C’est, c’est … ce n’est pas, ce n’est pas ».« Qui met la main à la charrue puis regarde en arrière, n’est pas digne de moi ». « Ne craignez pas ceux qui ne peuvent tuer que le corps ».« Ne pensez même pas à l’avance à vous défendre quand on vous poursuivra». « Comme j’ai été traité, vous serez traités ». L’annonce des persécutions, des haines, la promesse des supplices et de la mort, ôtent à ces conseils de franchise toute incertitude, interdisant toute exégèse de complaisance. « Ce que vous aurez entendu dans le secret, criez-le sur tous les toits ». Voyez, on ne peut imaginer maître et chef engageant ses hommes plus hardiment, plus à fond. Qui est mené par lui est compromis à tout jamais dans une guerre qui ne pardonne pas. « Ce n’est pas la paix que je suis venu apporter, mais le glaive. »L’histoire des premières générations chrétiennes est unique dans le monde pour être 1′ impitoyable conséquence des leçons d’un maître qui joua sa cause et la destinée des siens comme il avait joué sa vie.
Alors quand de ces hauteurs héroïques, on descend aux paliers où nous vivons, on se demande si ce qui différencie le chrétien moderne du chrétien primitif, n’est pas précisément la peur de s’engager, toute peur de s’engager. D’une part nous avons perdu cette fermeté abrupte qui fit du christianisme une doctrine et une vie si parfaitement inconfortables, heurtant de front le monde, ses hypocrisies et ses lâchetés. Devant le peuple, ou devant les docteurs, devant les hommes de loi ou de guerre, devant des gouvernants, des autorités politiques, qui d’entre nous parle comme saint Jean Baptiste à Hérode, comme saint Pierre et saint Jean devant le Sanhédrin ? ou comme le Christ devant Pilate ou devant Satan ? Ni à nos amis ni à nos ennemis nous n’oserions répéter dans leur intransigeance les paroles si fortes du sermon sur la Montagne, crainte de soulever leur effroi ou leur colère.
Qui risque son âme la sauve!
La considération semble être devenue la règle d’or. Ainsi la vertu devient-elle le juste milieu qui précisément se réserve à tout engagement dangereux. Ni la folie sublime, ni le scandale impudent. Se tenir à distance les uns et des autres ; ne pas se « compromettre », surtout ne pas prendre parti, se ménager des amitiés dans tous les camps. Tout cela, certains le définissent comme prudence, sagesse morale et vertu.
De ces deux trahisons ayons un profond dégoût, chers amis, dans les combats d’aujourd’hui. Reconnaissons que bien souvent nous n’en avons pas le courage, c’est ce qui nous fait perdre tant de batailles. Alors si nous jugeons que notre devoir de laïcs catholiques ne fait aucun doute, nous devons avec notre maître nous engager dans les affaires de la cité, en politique.
Qui risque son âme la sauve, puisque le sûr moyen de la perdre, c’est de ne pas la risquer.Mais il y a des engagements qui n’en sont pas, mais sont plutôt des compromissions. Faire cause commune avec des ennemis, des partis qui n’ont plus en vue que leur mesquin intérêt personnel ; donner son amitié (qui ne serait pas la vraie) son concours à des entreprises terrestres limitées à leurs intérêts sordides, engager par suite le nom chrétien à des fortunes précaires et sordides, à des complexes impurs comme le sont tant de politiques, n’est-ce point désobéir à notre Maître et abandonner à César ce qui n’appartient qu’à Dieu ? Dès lors, il vous appartient à vous, si vous voulez aider la patrie à renaître, d’être rigoureux et intransigeants dans vos choix, c’est-à-dire se refuser toute collaboration avec des forces, des puissances indignes de notre confiance.
Aujourd’hui la normalité devient presque impossible!
Et précisément, pour s’être engagés en politique pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec le Christ, n’accepter en aucune façon de s’engager avec Mammon ou Bélial puisqu’on ne peut servir deux maîtres.
Puisque dans le monde d’aujourd’hui la normalité devient presque impossible, faut-il partir, nous aussi dans le désert de l’inaction, non, il n’est pas permis aujourd’hui de refuser l’engagement au combat politique, au risque d’être infidèle à la mission que Dieu assigne à chacun de nous. Ne soyons pas les apôtres du « tout est foutu ». Lorsqu’un général chrétien, désespéré de voir son pays sombrer dans l’anarchie antireligieuse, soulève la révolte et, par les armes, entreprend de faire triompher l’ordre, qu’il ne conçoit que chrétien, la délicatesse de certaines consciences s’émeut.Lorsqu’un chef d’Etat, appelé dans un désastre national à sauver son pays, entreprend une révolution nationale qui ne s’accomplit pas dans la suavité, et, par les décrets de son vouloir brise et bannit les malfaiteurs qui s’opposent à son œuvre de salut public, on voit certaines bonnes consciences, même catholiques, jouer les vierges effarouchées.
Quelque soit la majesté de César, l’histoire chrétienne est en pleine harmonie avec l’Evangile pour nous affirmer que jamais le chrétien ne peut consentir à des entreprises mauvaises dans leurs fins et dans leurs moyens. Renoncer alors? Mais renoncer pour sacrifier au politiquement correct, à la pourriture morale comme renoncer au Christ, pour sacrifier aux idoles, est la pire des apostasies, et trois siècles de témoignage, d’engagement de martyrs ont fait triompher sur ce point la sublime protestation des esclaves chrétiens plus forte que les gouverneurs.